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Tribune sur la réforme territoriale

Tribune sur la réforme territoriale

Les dernières semaines que nous venons de vivre et les revirements successifs de François Hollande et de Manuel Valls questionnent inévitablement sur la crédibilité de cette réforme et sur son efficience.

Depuis de longues années, la suppression du mille-feuilles territorial a été régulièrement évoquée, avec une opposition constante sur les bancs de la gauche parlementaire, contestant la création du conseiller territorial opérée par la loi du 16 décembre 2010. Le conseiller territorial devait être une même personne élue à la fois au conseil général (département) et au conseil régional (région). Cette réforme, qui devait s’appliquer pour la première fois en 2014 et correspondait à une fusion des représentants des départements et des régions, a été enterrée par François Hollande et sa majorité dès son arrivée au pouvoir. On est en droit de se demander si des motivations autres que partisanes et bassement politiciennes l’ont alors guidé dans sa décision….
Quels sont aujourd’hui les enjeux de la réforme territoriale?
Il s’agit en tout premier lieu de donner davantage de lisibilité à l’action publique territoriale, d’augmenter son efficience, et par là-même générer des économies: clarté, cohérence, simplicité et efficacité. La réforme négociée avec les barons locaux par François Hollande “sur un coin de table” et imposée aux français avec un réel amateurisme répond-elle à ces enjeux majeurs ?

On nous annonce aujourd’hui la fusion de certaines régions, pour en ramener le nombre de 22 (régions métropolitaines ) à 14, la disparition des départements en 2020 et la création d’intercommunalités avec un seuil minimum de 20.000 habitants pour être l’interface entre les régions et les communes, au premier janvier 2018.

Cette réforme imposée par Paris à la va-vite et mettant en place des régions à deux vitesses (celles qui fusionnent et celles qui vont pouvoir continuer à se développer pendant que les autres organisent leur fusion…) est bien peu pensée et ne répond pas aux enjeux majeurs de notre pays. La taille de nos régions a-t-elle quelque chose à voir avec leur compétitivité ou leur attractivité ? Le dynamisme d’une collectivité dépend-il de sa taille ? Je ne le pense pas, la superficie actuelle de nos régions étant aujourd’hui supérieure à la moyenne européenne….

Le bienfondé d’une réforme territoriale repose avant tout sur la clarification des compétences de nos collectivités locales, sujet sur lequel les pouvoirs publics sont dans le flou le plus total. Quelles compétences pour quelle collectivité, voilà l’enjeu majeur de cette réforme.

Il est effectivement grand temps que nos régions deviennent de véritables moteurs de développement économique, dotées de compétences nouvelles, et pourquoi pas celles issues des départements en matière d’infrastructures, routes, transports, collèges. Mais quelle collectivité assumera demain les compétences des départements en matière d’aide sociale ? Le coût financier des interventions du Conseil Général dans ce domaine représente plus de la moitié de son budget de fonctionnement. Les intercommunalités de demain seront-elles armées pour assumer de telles missions ?

Pour une suppression de la clause de compétence générale

La clause de compétence générale est aujourd’hui source de nombreux dysfonctionnements. Cette clause permet à chaque collectivité territoriale (régions, départements, communes) d’intervenir dans tous les domaines dès lors qu’il y a un intérêt local. On imagine alors aisément les doublons de compétences avec des collectivités locales qui interviennent toutes dans les mêmes champs de politiques publiques avec pour corollaire une augmentation de la dépense publique. J’adhère totalement (et depuis bien longtemps) à la volonté de la supprimer, ainsi que l’avait préconisé en son temps Monsieur Balladur. Sa suppression sera à coup sûr une source d’économies importantes.

Quelle organisation administrative et quel calendrier?

Quelle organisation administrative voulons-nous pour répondre au mieux aux besoins et aux attentes des citoyens ? N’est-ce pas cela la vraie question à poser aujourd’hui ? Rome ne s’est pas faite en un jour, notre organisation administrative et territoriale non plus. Commençons par adopter une méthode claire acceptée par tous, et un calendrier raisonnable.

Notre pays compte aujourd’hui 36.000 communes, un nombre sans équivalent en Europe. La logique des fusions devrait sans aucun doute s’appliquer en premier lieu aux communes, car c’est dans nos mairies que se trouve le plus grand gisement d’économies d’argent public.

Concernant les départements, une réforme vient d’être adoptée il y a quelques mois modifiant sensiblement la carte des cantons (charcutage?) et instaurant la parité, sans rien régler aux problèmes de compétences alors que c’est là le cœur du sujet.
Des rapports et des consultations à n’en plus finir, des heures et des heures de travail au plus haut au niveau de l’Etat mais pour quel résultat au final ? Les élections départementales auront lieu à l’automne prochain sur ces nouvelles bases, alors qu’on nous annonce désormais la disparition des dits départements en…2020 ! Seule une politique lisible et cohérente peut être comprise des Français, et celle menée aujourd’hui n’est ni lisible, ni cohérente.

Pour quelles économies ?

La réforme telle qu’envisagée aujourd’hui n’est source d’aucune économie, alors que c’est là un des enjeux majeurs. Une chose est sûre, les collectivités vont voir les dotations que leur verse l’Etat baisser de 11 milliards d’ici 2017. Mais la seule fusion des régions et la baisse programmée du nombre d’élus régionaux ne permettra pas de gains substantiels car leurs budgets sont faibles (29 milliards en 2013) et essentiellement tournés vers l’investissement. Pire, la fusion des régions devrait être source de dépenses supplémentaires, avec notamment l’harmonisation de la situation des agents, le régime indemnitaire variant d’une région à l’autre. A titre exemple, les frais de personnel en Région Alsace sont de 19€ par habitant, ceux de la Région Lorraine de 31€…

Par ailleurs, avec la disparition annoncée des départements se pose la question du transfert des personnels des départements aux régions. Entre 80.000 et 100.000 fonctionnaires devraient ainsi passer du giron des départements à celui des régions, ce qui ne sera pas sans poser problème tant en matière de régime indemnitaire que de la mobilité des agents.

Pour une réforme de l’Etat et une autonomie financière des collectivités.

Si l’on veut que cette réforme aboutisse réellement à davantage de clarté et de lisibilité, il faut avant tout réformer l’Etat, l’amaigrir en mettant fin aux doublons de compétences et réaliser des transferts pleins et entiers. Car c’est d’abord dans les doublons avec les services de l’Etat que les économies sont à trouver.

Il faut également redonner à nos collectivités locales une véritable autonomie financière, et donc fiscale. C’est cela qui rendra nos Régions dynamiques, innovantes et compétitives. Le gouvernement et sa majorité doivent définir les moyens et les leviers fiscaux dont ces collectivités pourront disposer pour leur permettre d’assumer les missions qu’on leur confie. Or ce point essentiel n’est en rien abordé dans cette réforme.

Et la Région Alsace Lorraine ?

L’Alsace et la Lorraine sont des régions frontalières qui ont l’une comme l’autre une vision européenne de leur territoire. Mais il doit avant tout s’agir de fédérer deux collectivités autour de compétences renforcées. Des coopérations existent déjà, elles doivent se développer. Ainsi les enjeux véritables de la fusion doivent d’abord être identifiés pour ensuite être pleinement maîtrisés et bien compris. Toute précipitation risquerait de provoquer une réaction de crispation extrême, voire de rejet pur et simple par les populations.

A cet égard, la question du siège des institutions régionales est en effet loind’être anodine, chacun mesurant qu’il est non seulement porteur d’identité mais surtout vecteur d’attractivité pour le territoire concerné. La Moselle ne peutpas être sacrifiée sur l’autel de la fusion et Metz doit conserver son statut, comme Strasbourg doit faire l’objet d’une attention particulière s’agissant de son statut européen et de siège du parlement européen, à côté de Bruxelles. Ici, nous n’avons que trop souffert, tant sur le plan économique, industriel et universitaire. Il serait inacceptable que, sous couvert de modernisation (qui n’en a que le nom) de notre organisation territoriale, Metz soit une fois de plus la grande perdante en étant “satellisée” au profit d’ensembles métropolitains jugés par certains plus pertinents.