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Tribune dans “Les Échos” : santé en crise : le Gouvernement regarde ailleurs

Tribune dans “Les Échos” : santé en crise : le Gouvernement regarde ailleurs

Plus d’un mois après le remaniement, la santé est en plein milieu du désert… jusqu’aux plus hauts sommets de l’Etat. Pourtant, le Premier ministre l’affirme : il faut« réarmer notre système de santé ». Deux défis majeurs manquent à l’appel : les pénuries de médicaments et les déserts médicaux.
Les chiffres publiés récemment par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) sont sans appel : en 2023, les difficultés d’approvisionnement se sont encore aggravées en France. Près de 5.000 signalements de ruptures de stock ou de risques de ruptures ont été déclenchés en 12 mois. C’est 31 % de plus qu’en 2022 et 128 % de plus qu’en 2021. Près de 40 % des Français déclarent avoir déjà été confrontés à des pénuries de médicaments, entraînant des risques considérables pour la sécurité des patients.
Ces pénuries concernent particulièrement les anticancéreux, les antibiotiques, les vaccins, les anesthésiants, les traitements de l’hypertension, maladies cardiaques, maladies du système nerveux. Et lorsqu’un médicament n’est pas disponible, le pharmacien doit joindre le médecin pour modifier la prescription ou même renvoyer le patient vers les urgences. Une charge supplémentaire pour un système de soins déjà largement sous tension et des conséquences parfois terribles pour les malades.
Agir sur le prix des médicaments
Certes, la nouvelle Ministre de la Santé,la sixième depuis 2022, a bien présenté des « orientations » pour contenir l’hémorragie. Mais il manque une variable essentielle : le prix des médicaments, fixé au niveau national, et sur lequel le gouvernement doit agir. Dans un contexte où les pays voisins – dont l’Allemagne – augmentent les prix, pourquoi les industriels choisiraient-ils de vendre leurs médicaments en France quand d’autres paient le double voire le triple ?
Au niveau européen, des solutions existent également. Elles ont été listées dans mon rapport adopté en septembre 2020 par le Parlement européen : réserve européenne de médicaments essentiels, liste européenne des médicaments critiques, incitations fiscales et financières pour relocaliser notre production de médicaments (de la substance active au conditionnement et à la distribution), suivi en temps réel et en permanence de la disponibilité d’un médicament au niveau européen, flexibilité réglementaire et réduction des délais administratifs au niveau national et au niveau européen, passation de marchés conjoints…
Autant de solutions que la Commission européenne a commencé à mettre en oeuvre, mais qui ne pourront être pleinement efficaces sans une forte volonté nationale. Il est également crucial de créer un véritable fonds de souveraineté européen chargé de financer des projets stratégiques pour la santé des Européens.
Pas plus de deux consultations
Environ 20 millions de personnes (soit 30 % de la population) habitent dans une zone définie comme « désert médical ». Ces personnes qui, faute d’avoir un praticien à proximité, ne peuvent pas consulter plus de deux fois par an, parcourent des kilomètres pour être soignées… Quand elles y parviennent !
Cette situation, que l’on pensait cantonnée aux campagnes, concerne désormais de plus en plus de villes. Pour y remédier, le Premier ministre a annoncé « nommer un émissaire chargé d’aller chercher à l’étranger des médecins ». Quel signal envoie-t-il à notre jeunesse ? Quel message envoie-t-il aux pays étrangers en appelant au départ des médecins qu’ils ont formés ?
Capacité des universités
Si la France a supprimé le numerus clausus en 2020 pour former davantage de médecins (+13 %), la mesure reste largement insuffisante et le nombre de personnes formées trop faible, eu égard au vieillissement de la population en besoin accru de soins, au départ à la retraite de nombreux praticiens et aux changements d’habitudes de travail des nouvelles générations de médecins.
Il est indispensable d’augmenter la capacité des universités à former de nouveaux médecins, et de créer, là encore, des incitations fiscales et financières à l’installation dans les déserts médicaux.
Si l’Union européenne a fait de la santé et de l’accès aux soins une de ses priorités, la France porte aujourd’hui une lourde responsabilité quant à la propagation des déserts médicaux et à l’aggravation des pénuries de médicaments. La crise sanitaire, pourtant si récente, semble déjà oubliée… À quand une stratégie France digne de ce nom ?
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Val Klg