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Tribune dans le journal “Le Monde”

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« La France ne doit pas exclure le viol de la loi européenne visant à lutter contre les violences faites aux femmes »

Alors que la première législation européenne visant à lutter contre les violences faites aux femmes est en négociation à Bruxelles, les eurodéputés du Parti populaire européen (PPE) Nathalie Colin-Oesterlé et François-Xavier Bellamy dénoncent l’attitude du gouvernement français qui refuse d’y inclure le viol.

Publié le 05 octobre 2023 à 11h00 Temps de Lecture 3 min.

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Un rude combat s’annonce dans les discussions à venir sur une directive européenne majeure pour défendre les droits des femmes. Chaque année, plus de 100 000 viols sont enregistrés dans l’Union européenne (UE), selon l’Insee ; il est donc plus qu’urgent de protéger toutes les femmes victimes et d’en sanctionner les auteurs.

Dans l’Union européenne, une femme sur vingt a été victime de viol, explique la Commission européenne. Rien qu’en France, au moins dix femmes sont victimes chaque heure d’un viol ou d’une tentative de viol, d’après les chiffres de l’Observatoire national des violences faites aux femmes. L’adoption d’une loi au niveau européen pour lutter contre les violences faites aux femmes, et notamment le viol, était donc non seulement nécessaire mais également urgente.

La Commission européenne a donc proposé une législation ambitieuse le 8 mars 2022, à l’occasion de la Journée internationale du droit des femmes. Ce texte, amendé par le Parlement, vise à donner, dans l’ensemble de l’Union européenne, une définition de certaines formes graves de violences qui touchent principalement les femmes. C’est le cas du viol, des mutilations génitales féminines, du cyberharcèlement, du partage non consenti d’images intimes ou encore du mariage forcé, dont l’inclusion dans le texte a été soutenue par le Parlement européen.

Une forme d’impunité

En plus d’une définition commune, la législation vise à harmoniser les sanctions au niveau européen afin que les auteurs de violences ne puissent bénéficier d’une forme d’impunité selon l’Etat dans lequel ils se trouvent.

Le 9 juin, les représentants des Etats membres au Conseil ont, à leur tour, adopté leur position sur cette directive. A cette occasion, le ministère français de la justice s’est félicité, par la voie d’un communiqué de presse, d’être parvenu à « une approche ambitieuse et équilibrée » permettant de « renforcer les législations notamment pénales des Etats membres ».

Pourtant, contrairement à la Belgique, l’Italie, la Grèce et le Luxembourg, la France comme une majorité d’Etats membres ont souhaité exclure le viol de cette première loi européenne de lutte contre les violences faites aux femmes. Ni définition commune, ni sanction commune, ni protection commune. Rien.

Volte-face

Pour se justifier, ces Etats avancent un défaut de base juridique. Selon eux, le viol ne serait pas une « exploitation sexuelle des femmes et des enfants », telle que mentionnée dans l’article 83 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui sert de base légale à cette directive. Comment interpréter cet argument ?

Juridiquement, il étonne. En 2011, l’Union européenne s’est fondée sur cette même base légale de « l’exploitation sexuelle des femmes et des enfants » pour se doter d’une législation visant à lutter contre les « abus sexuels commis contre des enfants ». La France avait, à l’époque, soutenu ce texte. Pourquoi une telle volte-face en 2023 ?

Politiquement, c’est un revirement. A la fois parce qu’au niveau national le président de la République, Emmanuel Macron, fait de la lutte contre les violences faites aux femmes la grande cause de ses quinquennats ; et parce qu’au niveau européen nous sommes loin de la promesse de progrès affichée lors de son discours devant les eurodéputés en janvier 2022 au lancement de la présidence française de l’UE.

Une définition européenne

La définition proposée par le Parlement européen et la Commission est claire : un rapport sexuel sans consentement est un viol.

Au cours des négociations à venir avec les Etats membres, nous défendrons avec détermination la création d’une définition européenne du viol. Toutes les femmes victimes doivent bénéficier de la même protection partout en Europe.

Nous regrettons que le gouvernement français, qui se targue de faire de la lutte contre les violences faites aux femmes une priorité, abandonne ainsi des milliers de victimes. Nous lui demandons de réviser sa position et d’inclure le viol dans cette loi. Ne transigeons pas sur les violences sexuelles ; seule une approche ambitieuse nous permettra de lutter efficacement contre ce fléau.

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Les signataires : Nathalie Colin-Oesterlé est rapporteuse pour le groupe PPE de la directive européenne sur la lutte contre les violences faites aux femmes, chargée des négociations sur cette directive, elle est aussi conseillère municipale et métropolitaine de Metz ; François-Xavier Bellamy préside la délégation française du groupe PPE