Le Pacte Lorraine : vigilance et contrôle
Mardi 17 septembre, Jean-Pierre Masseret, Président du Conseil Régional de Lorraine, et le Premier Ministre ont signé à Matignon le « Pacte Lorraine 2014-2016 » censé donner un nouvel élan industriel à notre région, laquelle subit sans doute l’une des plus graves crises économiques de son histoire récente.
300 millions d’euros financés à parts égales entre l’Etat et la Région, permettant la mobilisation d’investissements publics et privés de l’ordre de 1,5 milliards d’euros sur la période.
Alors que penser de ce Pacte ? Loin d’être parfait, force est de reconnaître que ce document a au moins un mérite. Celui de repositionner la Lorraine sur les écrans radars … du Gouvernement, après les multiples promesses non tenues par François Hollande et certains de ces Ministres.
Mais ne nous réjouissons pas trop vite car les reniements ne s’arrêteront pas pour autant, et j’en veux pour preuve la loi « dite Florange » sur la reprise de sites rentables qui sera votée le 1er octobre prochain. Loi qui n’aura de Florange que son appellation tant elle a été vidée de tout son sens, au grand dam de la CFDT et de l’intersyndicale …
Pour autant, la situation économique et sociale que nous traversons depuis 2008 appelle, selon moi, une mobilisation forte de la part de tous les responsables politiques, de droite comme de gauche. Et les Lorraines et les Lorrains ne nous pardonneraient pas des postures politiciennes hasardeuses …
Alors oui, sur la forme nous avons assisté à un « déni de démocratie » … le Président Jean-Pierre Masseret n’estimant pas nécessaire de recevoir l’aval des élus régionaux pour engager ainsi le Conseil Régional de Lorraine aux côtés de l’Etat.
Déjà lors de la dernière séance plénière du Conseil Régional, j’avais dénoncé la manière avec laquelle Jean-Pierre Masseret forçait la main de son opposition pour l’autoriser à contracter un emprunt de 50 millions d’euros, censé concrétiser l’engagement du Conseil Régional dans le “Pacte Lorraine”, qui était justement en cours d’élaboration avec l’Etat … Il était en effet demandé aux élus de se prononcer sur la base d’un document qu’aucun d’entre eux n’avait encore eu entre les mains, et dont seules quelques « préconisations » avaient été dévoilées, dont la Vallée Européenne des Matériaux et de l’Energie. Monsieur Masseret n’avait d’ailleurs pas jugé utile d’associer tous les élus, quelle que soit leur couleur politique, aux travaux préparatoires menés dans le cadre de la conférence régionale à la mobilisation économique et à la promotion de l’innovation (CRMEPI) que l’on aurait pu imaginer élargie pour la circonstance …
Sur le fond, c’est un document manifestement déséquilibré.
Les deux premiers axes (Vallée Européenne des Matériaux et de l’Energie et soutien aux filières d’excellence et d’avenir), qui doivent constituer des éléments forts de différenciation pour notre région et le point de départ d’une nouvelle action économique en Lorraine, conduisent à un impact financier global pour 2014-2016 de 440 millions d’euros contre un peu plus d’un milliard pour le troisième axe.
Troisième axe qui s’apparente à un axe « fourre-tout », ou un « Contrat de Plan Etat-Région bis », dans lequel ont été inscrits les projets émanant des territoires lorrains, des plus urgents au plus anecdotiques. Manifestement le Préfet de Région n’a pas été particulièrement inspiré au moment de déterminer le contenu de ce 3ème axe, et sans doute aurait-il été préférable de renforcer les deux premiers volets …
D’où mes craintes de voir demain un Contrat de Plan Etat-Région 2014-2016 réduit à peau de chagrin notamment dans ses éléments financiers … J’en appelle par conséquent à la vigilance de Jean-Pierre Masseret pour que, dans les phases de concertation puis de négociation qui vont s’ouvrir et auxquelles va prendre part le Conseil Régional, ce qui a été donné à notre région d’une main ne soit pas repris de l’autre …
De très grosses inquiétudes également quant à la capacité à « lever » autant de fonds, plus d’1,5 milliards d’euros … car si les 300 millions d’euros financés à parts égales entre l’Etat et la Région « semblent » être acquis, on peut toutefois s’interroger sur l’opérationnalité immédiate de l’ingénierie financière « imaginée » pour l’occasion … Il ne faudrait pas non plus que l’on se retrouve encore face à une de ces énièmes usine à gaz qui ont souvent raison des toutes meilleurs volontés du monde …
En tant qu’élue messine, je me réjouis en revanche de voir enfin notre ville bénéficier pour ainsi dire de quelques « compensations », qui se sont tant faites désirer depuis l’annonce et l’effectivité des restructurations militaires :
- Le projet de création d’un Pôle de ressources et d’excellence sportive sur l’ancienne base aérienne 128, porté par le Président du Conseil Général, et qui constitue une formidable opportunité pour faire de Metz et son agglomération un haut lieu du sport amateur et professionnel de haut niveau ;
- Le soutien à l’Institut de Recherche Technologique spécialisé dans les matériaux, la métallurgie et les procédés (IRT M2P), implanté le site du Technopôle, et qui va permettre d’accompagner des projets de recherche associant partenaires industriels privés et laboratoires publics ;
- ou bien encore l’implantation à Metz d’une plateforme régionale de transfert de technologie du Commissariat à l’Energie Atomique et aux Energies Alternatives.
Le Pacte Lorraine, s’il est nécessaire, n’en constitue pas moins un “exercice lointain” dont la mise en œuvre nécessitera un temps plus ou moins long. En attendant, comment le Conseil Régional de Lorraine envisage-t-il de gérer la question de la « transition » vécue au quotidien par nombre de Lorraines et de Lorrains ?
En effet si ce Pacte est « un investissement d’avenir », il ne doit pas pour autant faire oublier la responsabilité du Conseil Régional dans la construction immédiate, certes avec une multitude d’acteurs (entreprises, consulaires, partenaires sociaux, Universités, collectivités locales, …), d’un écosystème favorable intégrant notamment la question sociale et la formation. Or nous sommes nombreux aujourd’hui, dans les rangs de l’opposition, à déplorer l’absence totale de cap et de vision stratégique du Conseil Régional tant en matière de développement économique qu’en matière de formation professionnelle.
La signature de ce Pacte, le futur CPER 2014-2016 et les futurs Programmes Opérationnels des fonds européens doivent être l’occasion pour la Région de démontrer enfin sa capacité à fixer le cap qui lui fait tant défaut depuis 2004, et à mettre en mouvement les potentialités et ressources de notre territoire.
A un an et demi des élections régionales, il ne s’agirait pas pour Jean-Pierre Masseret et sa majorité de rater le « virage » qui se présente à nous, et à la sortie duquel la Lorraine pourrait enfin entamer le redressement industriel et économique que nous appelons toutes et tous de nos vœux.